Erreur médicale : la question de l'état antérieur sur le taux de perte de chance

Erreur médicale : la question de l'état antérieur sur le taux de perte de chance

Publié le : 22/10/2021 22 octobre oct. 10 2021

Dans l’arrêt objet de notre étude mensuelle, il est question de savoir si l’intervention de l’équipe médicale réalisée afin d’éviter la survenance d’un dommage, mais qui en a cependant créé un autre, peut atténuer la responsabilité pour faute médicale et par conséquent abaisser l’indemnisation. 

En l’espèce, une femme enceinte est admise dans un établissement hospitalier pour donner naissance à son enfant. Or, il apparaît que le poids de l’enfant est estimé à plus de cinq kilos, ce qui a pour conséquence d’entraîner au moment de l’accouchement une dystocie des épaules du bébé (absence totale d'engagement des épaules dans le bassin malgré l’engagement de la tête du nourrisson). 
Pour éviter les risques de complication et mettre en danger la vie de la mère et du bébé, l’équipe obstétricale mène alors des manœuvres afin d’extraire l’enfant, mais qui ont pour conséquence de paralyser les nerfs commandant les bras du nourrisson.

À la suite de poursuites, l’établissement est condamné à indemniser la victime, mais par appel de la décision obtient une diminution des indemnités à hauteur de 7800 euros. En effet, la Cour administrative d’appel a statué sur le fondement de la perte de chance d’éviter le préjudice final, en matière d’incertitude quant à la réalisation ou non du dommage si les manœuvres pour la naissance avaient été parfaitement adaptées. La Cour pour fonder sa décision a retenu l’absence pour la mère du respect des consignes de grossesse en matière d’hygiène alimentaire et d’activité physique, lesquelles ont provoqué le surpoids de l’enfant et donc a accru le risque de dystocie des épaules, ainsi que le fait pour les soignants d’avoir réagi avec rapidité en obtenant après la manœuvre fautive, l’expulsion du fœtus, ramenant ainsi le taux de perte de chance à 15% au lieu des 50% estimés par les experts.

Devant le Conseil d’État, les parents de la victime reprochent aux juges du fond d’avoir réduit le taux d’indemnisation, en réduisant le taux de perte de chance pourtant imputable à la faute commise par l’équipe obstétricale.

La Haute juridiction administrative rend la décision suivante : « Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

L’appréciation réalisée par la Cour administrative d’appel constitue selon le Conseil d’État une erreur de droit qui rappelle que, ni les manœuvres obstétricales qui ont par ailleurs eu pour conséquence de ne pas aggraver la situation et non pas de l’améliorer, ni l’état physique de la mère au moment de l’accouchement ne justifient la réduction du taux de perte de chance puisque ce taux est déterminé selon la probabilité d’un accouchement dystocique en l’absence de toute faute de l’établissement.

Référence de l’arrêt : Conseil d’État - 5ème et 6ème chambre réunies, 6 mai 2021 n°428154

Historique

  • Erreur médicale : la question de l'état antérieur sur le taux de perte de chance
    Publié le : 22/10/2021 22 octobre oct. 10 2021
    Rédaction
    Erreur médicale : la question de l'état antérieur sur le taux de perte de chance
    Dans l’arrêt objet de notre étude mensuelle, il est question de savoir si l’intervention de l’équipe médicale réalisée afin d’éviter la survenance d’un dommage, mais qui en a cependant créé un autre, peut atténuer la responsabilité pour faute médicale et par conséquent abaisser l’indemnisation. ...
  • Réparation du préjudice moral de l'enfant à naître du fait du décès de son grand-père
    Publié le : 11/10/2021 11 octobre oct. 10 2021
    Rédaction
    Réparation du préjudice moral de l'enfant à naître du fait du décès de son grand-père
    Il existe un adage juridique « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus habetur » qui permet de juger qu’un enfant est considéré comme né, chaque fois qu'il pourra en tirer avantage. Cet adage est notamment utilisé par les juridictions en cas de décès d’un des parents postérieur...
  • Quid du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO)
    Publié le : 27/07/2021 27 juillet juil. 07 2021
    Rédaction
    Quid du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO)
    Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) est destiné à intervenir lors de la survenance d’un accident de la circulation et qu’il est impossible d’identifier le responsable de l’accident, ou si ce dernier n’est pas assuré. L’intervention de ce fonds permet d’indemniser la ou les vi...
  • Réparation du préjudice économique et prise en compte du remariage
    Publié le : 16/06/2021 16 juin juin 06 2021
    Rédaction
    Réparation du préjudice économique et prise en compte du remariage
    Le principe de réparation intégrale du préjudice constitue le socle de la responsabilité civile en droit français, puisant son fondement dans l’article 1240 du Code civil lequel dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est a...
  • Le barème de capitalisation
    Publié le : 07/06/2021 07 juin juin 06 2021
    Rédaction
    Le barème de capitalisation
    En matière de dommages corporels, le barème de capitalisation est utilisé afin d’indemniser les victimes de préjudices patrimoniaux permanents, voire leurs ayants droit. Il n’existe pas un, mais plusieurs barèmes de capitalisation avec chacun des référentiels propres, généralement établis par les...
  • Enfant né handicapé du fait d’une erreur médicale : la prestation de compensation du handicap peut-elle être déduite de l’indemnisation ?
    Publié le : 31/05/2021 31 mai mai 05 2021
    Rédaction
    Enfant né handicapé du fait d’une erreur médicale : la prestation de compensation du handicap peut-elle être déduite de l’indemnisation ?
    Lorsqu’un enfant né handicapé, il peut lui être alloué une prestation de compensation du handicap versée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), pour rembourser, entre autres, les frais relatifs à sa perte d’autonomie tels que l’aménagement de son domicile, l’achat d’équipe...
<< < 1 2 3 4 5 > >>
Information sur les cookies
Nous avons recours à des cookies techniques pour assurer le bon fonctionnement du site, nous utilisons également des cookies soumis à votre consentement pour collecter des statistiques de visite.
Cliquez ci-dessous sur « ACCEPTER » pour accepter le dépôt de l'ensemble des cookies ou sur « CONFIGURER » pour choisir quels cookies nécessitant votre consentement seront déposés (cookies statistiques), avant de continuer votre visite du site. Plus d'informations
 
ACCEPTER CONFIGURER REFUSER
Gestion des cookies

Les cookies sont des fichiers textes stockés par votre navigateur et utilisés à des fins statistiques ou pour le fonctionnement de certains modules d'identification par exemple.
Ces fichiers ne sont pas dangereux pour votre périphérique et ne sont pas utilisés pour collecter des données personnelles.
Le présent site utilise des cookies d'identification, d'authentification ou de load-balancing ne nécessitant pas de consentement préalable, et des cookies d'analyse de mesure d'audience nécessitant votre consentement en application des textes régissant la protection des données personnelles.
Vous pouvez configurer la mise en place de ces cookies en utilisant les paramètres ci-dessous.
Nous vous informons qu'en cas de blocage de ces cookies certaines fonctionnalités du site peuvent devenir indisponibles.
Google Analytics est un outil de mesure d'audience.
Les cookies déposés par ce service sont utilisés pour recueillir des statistiques de visites anonymes à fin de mesurer, par exemple, le nombre de visistes et de pages vues.
Ces données permettent notamment de suivre la popularité du site, de détecter d'éventuels problèmes de navigation, d'améliorer son ergonomie et donc l'expérience des utilisateurs.