
Indemnisation de la perte de chance pour avoir subi une anesthésie générale au lieu d’une anesthésie locale
Publié le :
28/07/2022
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La poursuite de l’objectif de réparation intégrale du préjudice a conduit la Cour de cassation dans un arrêt du 18 mars 1975, à créer la notion de la perte de chance. Cette notion se retrouve dans les hypothèses où la victime a été privée d’une espérance future dont il est impossible de savoir si elle se serait réalisée en raison du fait dommageable. La particularité de ce principe juridique découle ainsi de son ambiguïté, car il s’agit d’une situation à mi-chemin entre un dommage certain indemnisable et un dommage incertain non indemnisable. Cependant le recours à la notion de perte de chance ne permettra d’indemniser que la chance perdue et non le dommage final.
Dans un arrêt du 1er juin 2022, la Cour de cassation est venue reprendre cette notion.
En l’espèce une femme est opérée sous anesthésie générale pour une phlébectomie (opération consistant à retirer des varices afin de rétablir la circulation sanguine), mais une complication intervient. À la suite de l’opération, elle souffre d’une atteinte du nerf crural droit et conserve une paralysie crurale du membre inférieur.
La patiente décide avec son époux d’assigner en responsabilité et en indemnisation, pour fautes dans sa prise en charge, le chirurgien, l’anesthésiste, la clinique et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), ainsi la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM).
La juridiction d’appel exclut la responsabilité de l’ONIAM et de la clinique, dans un premier temps. Elle reconnait ensuite la responsabilité du chirurgien et de l’anesthésiste en précisant que la faute de ce dernier a seulement engendré une perte de chance de 90 % d’éviter la complication.
Le chirurgien et son assureur se pourvoient en cassation contre la décision, qui retient la responsabilité in solidum de l’anesthésiste avec le chirurgien, mais dans la seule limite de 90 %, alors que la Cour d’appel a conclu que dans leur relation professionnelle, la responsabilité est tenue pour moitié par chacun. Le chirurgien considère que la complication aurait pu être évitée si l’anesthésiste avait réalisé une anesthésie locale au lieu de générale. Il en déduit que c’est l’anesthésiste qui aurait commis la faute à l’origine du dommage, car aucune circonstance n’appuyait l’utilité de l’anesthésie générale. Le chirurgien soutient sa demande en pointant les constatations du juge : la faute de l’anesthésiste est directement et entièrement reconnue comme la source de la réalisation du dommage chez la patiente.
La Cour de cassation casse la décision rendue en supprimant la limite de responsabilité de l’anesthésiste, qui a donc commis la faute à l’origine du dommage en pratiquant une anesthésie générale au lieu d’une anesthésie locale.
Au visa de l’article L 1142-1 du Code de la santé publique, qui institut le principe légal de responsabilité pour faute médicale, ainsi qu’en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, la Haute juridiction rappelle « qu’une réparation ne peut être allouée au titre d’une perte de chance d’éviter le dommage qu’en l’absence de certitude que, si la faute n’avait pas été commise, le dommage ne serait pas survenu ».
En conclusion, l’anesthésiste doit être tenu in solidum avec le chirurgien des condamnations dans les mêmes proportions, c’est-à-dire tenus à hauteur de 50 % pour l’anesthésiste et 50 % pour le chirurgien.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère 1 juin 2022 n°20-18.595
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